Démarche artistique

Quels étaient les objectifs d’Edmond Dubrunfaut [1] ?

1) « renouer l’art avec le public »,

Selon lui, l’être humain a besoin, en plus des moyens matériels, d’une nourriture spirituelle. Cette nourriture,  l’art en fait partie et tout un chacun y a droit. Or, il se rendait compte qu’un grand nombre de la population n’y avait pas accès à cause de la rupture art-public causée selon lui par la peinture de chevalet. C’est pourquoi il revendiqua de placer l’art dans les lieux publics, « là où passent et vivent les hommes ». Il alla plus loin, il se rendit compte que la distance entre un grand nombre de la population et l’art résulte d’un manque de connaissance, de formation artistique. Il mena des campagnes de sensibilisation auprès de ce public potentiel, par les cours qu’il donna, les formation à la tapisserie qu’il créa pour des chômeurs, par l’interaction qu’il préconisait entre l’artiste et les personnes que la réalisation murale concerne : d’abord l’information puis le contact avec les œuvres. C’est un art de participation. Il s’intéressait au public également au sein de ses œuvres volontairement réalistes car s’inspirant de la vie des gens. Le réalisme selon Dubrunfaut est une image du réel, de la vie, en « reprenant le contact avec la vie des hommes afin de magnifier le réel ». L’art ainsi intégré à l’architecture permettrait d’avoir une action sur les villes en réconciliant l’art et la vie.

 

[1] Les points développés ici consistent en une synthèse des différents écrits d’Edmond Dubrunfaut dont on peut trouver les références dans la bibliographie. Ils ont tous repris dans l’ouvrage de Jacqueline Guisset, Forces Murales, un art manifeste, Mardaga, 2009.

Forces murales : Louis DELTOUR (1927- 1998), Edmond DUBRUNFAUT (1920-2007), Roger SOMVILLE (1923-2014), La vie des pêcheurs (détail). 1949, fresque, 70 m² (Bruxelles, Palais de Justice). Cette fresque témoigne d’un travail en commun de trois artistes animés par les mêmes idéaux et aboutissant à une belle synthèse des styles.

Le « signal » du rond-point de Bruyelles intitulé A la rencontre des chemins et des hommes et réalisé en 1995, émaux sur céramique, 85m². Il montre bien cette volonté de renouer l’art avec le public, à la fois en présentant des thèmes de la vie quotidienne comme le voyage en train ou les passants, mais aussi en plaçant cette œuvre à un endroit stratégique, au milieu d’un rond-point, lieu de croisement des chemins.

2) « renouer la tradition d’hier avec celle d’aujourd’hui et de forger celle de demain ». Comment ? Par le développement de l’art mural, ce qui lui semblait la meilleure arme de la vie du 20e siècle : il s’est basé sur les recherches réalisées en France (Lurçat) et au Mexique (Siqueiros, et les muralistes) qui permettent d’allier des techniques anciennes à des matériaux nouveaux. Mais il a également renouvelé les techniques anciennes, ce qui lui permettait de ne pas réaliser un erzats de la tapisserie du XVe, mais bien des œuvres ancrées dans le XXe siècle. Il conjuguait ainsi recherches techniques et formelles. C’est la tapisserie que Dubrunfaut affectionnait particulièrement, mais il développa également d’autres arts à portée murale comme la fresque, la peinture murale, la céramique,…

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Exemple d’une technique ancienne totalement renouvelée : la tapisserie. A la ferme, 1961, tapisserie, 210 x 300 cm.

3) Ceci induit une interaction entre les créateurs : architectes, sculpteurs et peintres. L’interaction entre ces pratiques permet une valorisation réciproque tout en révélant la personnalité et la sensibilité de chacun. Il la nomme « la synthèse des arts ». Pour Edmond Dubrunfaut, l’artiste travaillant seul dans sa tour d’ivoire perd beaucoup par rapport à celui qui crée avec les autres. Quand il s’agit d’intégrations murales, la meilleure solution est de faire travailler toutes les personnes que cela touchera : les peintres, les architectes, les ouvriers, le public. Tous ces éléments participent d’un « humanisme actif ». De plus, le choix du style réaliste permet de garder une relation intime avec la vie, parfois avec la réalisation même de l’œuvre quand il représente les ouvriers ou les passants. Cela permet également quand on travaille à plusieurs (Forces murales, Cuesmes 68) d’avoir une unité de style.

Forces murales : Louis DELTOUR (1927- 1998), Edmond DUBRUNFAUT (1920-2007), Roger SOMVILLE (1923-), La vie des pêcheurs (détail). 1949, fresque, 70 m², non signé, non daté. (Bruxelles, Palais de Justice). Cette fresque témoigne d’un travail en commun de trois artistes animés par les mêmes idéaux et aboutissant à une belle synthèse des styles.

Le « signal » du rond-point de Bruyelles intitulé A la rencontre des chemins et des hommes et réalisé en 1995, émaux sur céramique, 85m². Il montre bien cette volonté de renouer l’art avec le public, à la fois en présentant des thèmes de la vie quotidienne comme le voyage en train ou les passants, mais aussi en plaçant cette œuvre à un endroit stratégique, au milieu d’un rond-point, lieu de croisement des chemins.

Ces trois premiers points seront repris dans le manifeste de Forces Murales en 1947.

4) Il a développé également un plan pour mettre en œuvre de façon pratique son projet : création d’ateliers, obtention de subsides, lancement de la dynamique offre-demande, formation des peintres et des manufacturiers, utilisation d’un langage clair, formation du public…